A l’occasion du mois sans tabac, DNF en collaboration avec l’Alliance contre le tabac dans le cadre d’un financement par le Fonds de lutte contre les addictions, publie une série d’articles et de vidéos afin d’informer sur le processus de fabrication du tabac. Les produits du tabac, en plus de nuire à la santé humaine, ont un impact considérable sur l’environnement du début à la fin de sa chaine, de la production jusqu’à son état de déchet.
Après avoir abordé les thèmes de la culture du tabac et de la fabrication de la cigarette, intéressons-nous à la vente de cigarettes dans l’Hexagone. Le tabac n’est pas un produit comme les autres. Quel autre produit de « grande consommation » tue un consommateur sur deux ?
Addictif et mortifère, les produits du tabac sont soumis à une taxation et une législation spécifique.
Dès 1976, la France légifère en interdisant certaines publicités pour la promotion des cigarettes. La loi Veil est ainsi l’une des premières au monde à mettre un frein à la promotion des cigarettes et à introduire la notion d’espaces sans tabac pour protéger ceux qui ne fument pas.
La loi Evin de 1991 va encore plus loin en interdisant le parrainage d’évènements par des marques de tabac. Elle inverse également la règle dans les lieux à usage collectif fermés et couverts qui deviennent des lieux sans tabac.
Néanmoins, ce volet de la loi Evin aura eu beaucoup de mal à être respecté notamment en raison du travail de sape de l’industrie du tabac qui a obtenu le « détricotage » de la loi Evin par un décret (29 mai 1992) qui a introduit la possibilité de réserver des espaces pour les fumeurs dans les lieux sans tabac. Et, en ne mettant aucune limite à ces exceptions, le décret a permis de revenir à la notion de lieux fumeurs dans lesquels le non-fumeur osait à peine quémander un espace non-fumeur.
En France, comme en Europe, la cigarette est soumise à une taxation particulière, le droit d’accises, avec pour but de réduire la consommation de tabac en France.
La taxation des produits du tabac, un outil efficace
Dans les années 90, plusieurs études ont été réalisées pour mesurer les effets de la taxation sur la consommation. Il en ressort que pour être vraiment efficace, l’augmentation des prix devait être régulière, et forte ou rapprochée. Le caractère rapproché créant l’alerte permanente pour le fumeur, la récurrence favorisant la décision de modification des habitudes.
La guerre au tabac lancée en 2003 par le Président de la République lors du premier plan cancer a démontré pour la première fois en France l’efficacité de l’outil taxation. Puis, en 20 ans, le prix du tabac a triplé, reflet de 4 quinquennats marqués par des volontés politiques plus ou moins affirmées de lutter contre le fléau du tabac.
L’objectif du paquet à 10 euros pour 2020, lancé en 2017, est aujourd’hui largement dépassé. Il a entrainé une chute de 20% des ventes en moins de 3 ans
Voici comment se décompose le prix d’un paquet actuel à 11,50€ :
Pour poursuivre cette démarche, DNF propose que la fiscalité permette de viser le prix symbolique de 15 euros le paquet de cigarettes pour 2025.
La courbe ci-dessous démontre l’efficacité des deux utilisations efficaces de la fiscalité (2003-2004 et 2017-2020), la moindre efficacité des campagnes sans utilisation de la fiscalité ainsi que l’incohérence des campagnes d’utilisation déraisonnables de la fiscalité (2005-2011)
La vente de tabac, une si belle affaire pour l’Etat Français ?
On estime les recettes fiscales de vente de produit du tabac entre 12 et 15 milliards d’euros chaque année. Une somme très importante mais qui ne couvre pas les dépenses de santé (pour soigner les fumeurs) et les actions pour prévenir et sensibiliser les populations. En 2020, les finances publiques de la France étaient directement impactées de 14 milliards de déficit à cause du tabac, sans compter son coût social exorbitant.
En effet, l’étude menée par l’économiste Pierre Kopp démontre que le coût du tabac pour la France ne se limite pas à ce déficit.
Si l’on prend en compte la perte de productivité, le coût des vies perdues et de la perte de qualité de vie, le tabac avait en 2010 un coût social de 120 milliards d’euros même en comptant l’économie des retraites non versées aux fumeurs morts prématurément.
Vendre du tabac mais le rendre moins attractif.
Le paquet de cigarettes neutre
En 2016, après quelques pays comme l’Australie, la France instaure le paquet neutre. Une décision contre laquelle l’industrie aura beaucoup œuvré. En effet, le paquet neutre, dépourvu d’éléments marketing rend le paquet beaucoup moins attractif notamment auprès des jeunes, cible prioritaire de l’industrie. Le paquet est ainsi le même pour toutes les marques avec une couleur peu appétente définie par les experts comme la couleur la moins attrayante du monde (pantone 448) : un vert foncé à la limite du marron. Une large partie du paquet est dédiée aux avertissements sanitaires destinés avant tout à éloigner les jeunes du tabac.
Les buralistes, le réseau de vente qui assure le contrôle de la vente de cigarettes
En France, la vente de tabac est réservée à l’administration des douanes. La vente de tabac est ainsi un monopole d’État réglementé par le gouvernement et confié aux buralistes. Ce monopole vise à contrôler la distribution du tabac, garantir des revenus fiscaux conséquents et réguler la consommation de produits du tabac.
Les buralistes, en tant qu’agents de l’État, sont les seuls autorisés à vendre des cigarettes, des cigares, du tabac à rouler, et d’autres produits connexes. Cette réglementation stricte contribue à limiter l’accès au tabac, à assurer une surveillance étroite de la vente pour des raisons de santé publique, tout en fournissant aux buralistes un rôle économique important au sein des communautés locales. Néanmoins, les buralistes manquent parfois à leurs obligations comme celle d’assurer l’interdiction de vente aux mineurs. Aujourd’hui, et selon une récente étude, 2/3 des buralistes vendent aux mineurs du tabac. Ils sont en réalité plus proches de l’industrie du tabac (qui leur livre le tabac plus de 20 fois par mois) que de l’Etat qui les subventionne abondamment, notamment pour les aider à se diversifier.
Les buralistes en France ont traditionnellement l’obligation d’afficher une enseigne en forme de carotte au-dessus de leur point de vente. Cette pratique remonte à une ordonnance royale datant de 1810 sous Napoléon Ier, qui a instauré cette obligation pour distinguer les tabacs et limiter les confusions avec d’autres commerces. À l’époque, la carotte était un symbole couramment associé au tabac, ce qui permettait d’identifier clairement les endroits où l’on pouvait acheter ses produits.
La vente de cigarettes hors réseaux
Parfois, la commercialisation de produits du tabac se fait en dehors du circuit traditionnel des buralistes agréés par l’État. Les ventes transfrontalières de tabac provenant de pays où la fiscalité est moins importante ne sont pas significatives à l’échelle nationale mais très pénalisantes pour les buralistes frontaliers. Même si l’écart tend à se réduire, la problématique reste l’harmonisation des prix à l’échelle européenne.
Il existe également des canaux illégaux, comme la contrefaçon, la contrebande (souvent organisée par les fabricants eux-mêmes) ou la vente en ligne par des sites non autorisés La vente hors réseau représente un défi pour les autorités et les efforts de lutte contre le tabagisme, mais elle est couramment très largement surévaluée comme l’indique l’enquête effectuée par DNF pendant la pandémie.
L’augmentation des prix provoque-telle l’augmentation de la contrebande ?
Il s’agit en effet de l’argument numéro 1 de l’industrie, relayée par les buralistes, pour dénoncer les augmentations de prix et tenter de freiner la politique la plus efficace pour faire régresser le tabagisme..
Sur son site, l’ACT – alliance contre le tabac- explique ainsi qu’en 2020 un fabricant mondial est accusé d’avoir inondé le marché algérien de cigarettes à bas prix en étant tout à fait conscient qu’une partie de ce stock serait revendue sur le marché français. Dans la plainte déposée, on estime que cette marque de cigarette « algérienne », l’une des plus vendue dans l’hexagone, représenterait près de 4.5 % du marché français.
Sources
Ministère de la Santé et de la Prévention
Pierre Kopp, Le coût social des drogues en France, OFDT
Direction générale des douanes et droits indirects
Source tableau prix / conso : DNF
: https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9gislation_sur_le_tabac_en_France
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