La fiscalité est un des leviers essentiels pour réduire la consommation de tabac. L’OMS considère même que les taxes sur les produits du tabac seraient l’outil le plus puissant et le plus rentable pour les gouvernements. Toujours selon l’OMS, « une augmentation des prix de 10% sur le paquet de cigarettes devrait entraîner une baisse de 4% de la demande dans les pays à revenu élevé et de 4 à 8% dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où les revenus plus faibles des populations tendent à les sensibiliser davantage à l’évolution des prix« .
L’article 6 de la convention cadre de l’OMS
La convention cadre de l’organisation mondiale de la santé est un traité mondial mettant en lumières les bonnes pratiques et les dispositions visant la réduction du tabagisme en 14 articles. La France l’a ratifiée en octobre 2004.
L’article 6 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac fait ainsi le point sur les «Mesures financières et fiscales visant à réduire la demande de tabac». L’OMS rappelle l’importance de cette politique de prix et appelle les gouvernements à appliquer une politique de taxation et des prix contribuant à leurs objectifs de santé nationaux.
La taxation des produits du tabac, un outil efficace
Dans les années 90, plusieurs études ont été réalisées pour mesurer les effets de la taxation sur la consommation. Il en ressort que pour être vraiment efficace, l’augmentation des prix doit être régulière et rapprochée. La récurrence crée l’alerte permanente, le caractère rapproché crée la décision de modification des habitudes.
La France a été l’un des pays pionniers dans la lutte contre le tabagisme en légiférant, dès 1976 avec la loi Veil, mais c’est à partir des années 2000 et notamment à partir du lancement du premier plan cancer, annoncé par le Président de la République, que l’on connait les premières utilisations efficaces de l’outil taxation.
En 20 ans, le prix du tabac a triplé et le graphique qui suit est très éloquent. Il est le reflet de 4 quinquennats présidentiels marqués par des volontés politiques plus ou moins affirmées de lutter contre le fléau du tabac.
- En déclarant la guerre au tabac tout en mobilisant la société civile par un appel à projet et en utilisant la taxation pour obtenir 3 augmentations fortes et rapprochées des prix entre 2003 et 2004, les ventes on régressé de 32%. Avoir décidé un moratoire sur les prix après cette action exemplaire a fait « pencher le fléau de la balance » vers un regain de normalité de l’acte de fumer qui a fortement pesé sur l’acceptabilité du décret Bertrand (2006) par les professionnels des lieux dits de convivialité.
- Entre 2007 et 2012, invoquer l’idée qu’il soit anormal d’interdire de fumer dans les lieux où l’on vend du tabac et supprimer les caractères forts et récurrents des objectifs d’augmentation tarifaires de la politique de taxation ne pouvait que renforcer la renormalisation du fléau de santé publique que représente le tabagisme.
- En dépit d’un taux faible mais cependant bien supérieur à l’inflation, la reprise d’augmentations tarifaires régulières en 2012 a entrainé une forte régression des ventes de tabac car elle s’est accompagnée d’une volonté affirmée de lutter contre les méfaits du tabac, notamment dans le cadre de la loi HPST (Hôpital, patient, santé, territoires) dont il faut surtout retenir la lettre T qui responsabilisait les régions,puis du PNRT (Programme national de réduction du tabagisme 2014-2019). Avoir alors annoncé « qu’entre le paquet neutre et les haussses de prix il fallait choisir » était une erreur partiellement compensée par le vote, en mai 2016, du paquet neutre et la forte augmentation du tabac à rouler en janvier 2017.
- La mise en place du PNLT (Programme de lutte contre le tabac 2018-2022) essentiellement basé sur un programme d’augmentations fiscales destinées à atteindre le prix de 10 € moyen pour un paquet de 20 cigarettes a pleinement atteint son objectif et constaté une chute importante des ventes et de la prévalence tabagique, passée de 29,4% en 2016 à 24% en 2020. Souhaitons que cette nouvelle réussite de la lutte contre le fléau du tabac ne soit pas, une nouvelle fois, suivie d’un moratoire sur la fiscalité.
Toute action menée en même temps que la taxation en favorise les effets, mais sans l’aide de la taxation, ces actions ont un effet très réduit

L’objectif d’une génération sans tabac pour 2032, programmée en 2017, passait par l’étape du « paquet à 10€ » pour 2020. Cette étape est désormais franchie et les ventes de cigarettes ont, pour les onze premiers mois de 2020 – comparés à la même période 2017– , accusé une chute de 20%.
L’objectif du PNLT prévoit également d’abaisser à moins de 22 % la part des fumeurs quotidiens chez les 18-75 ans d’ici 2022. Il ne pourra être atteint qu’au prix du maintien d’un objectif aussi ambitieux que le précédent.
Pour y arriver, DNF préconise une programmation de la fiscalité qui permette d’arriver au paquet à 15 euros d’ici à 2025.
L’harmonisation de la fiscalité en France
En France, les produits du tabac sont taxés de manières différentes en fonction de leur spécificité : (cigarillos, tabac à rouler, cigarettes traditionnelles, tabac chauffé etc…).
infographie taxation
En France, pour être encore plus efficace, il serait nécessaire de réviser la taxation :
– Des cigares et cigarillos, idéalement en introduisant la notion de poids ou en subdivisant cette catégorie
- Des tabacs à rouler, notamment en relevant le minimum de perception
– Des autres tabacs à fumer en les remplaçant par trois catégories :
Le tabac à pipe et le tabac à tuber
La chicha
Les produits chauffés
L’augmentation des prix du tabac favorise-t-elle la contrebande ?
C’est l’argument numéro 1 de l’industrie, relayé par les buralistes, pour dénoncer les augmentations de prix et tenter de freiner la politique la plus efficace pour faire régresser le tabagisme. Les fabricants eux-même à l’origine du commerce illicite de leurs produits.
Sur son site, l’ACT – alliance contre le tabac- explique ainsi qu’en 2020 qu’un fabricant mondial est accusé d’avoir inondé le marché algérien de cigarettes à bas prix en étant tout à fait conscient qu’une partie de ce stock serait revendu sur le marché français. Dans la plainte déposée, on estime que cette marque de cigarette « algérienne », l’une des plus vendue dans l’hexagone, représenterait près de 4.5 % du marché français. Or, On peut estimer une perte annuelle de 400 à 500 millions d’euros en taxe pour l’état Français.