DNF auditionnée à l’Assemblée Nationale sur la fiscalité du tabac

par Céline Fournier

Dans le cadre de la mission d’information « relative à l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés » qui se tient actuellement à l’assemblée nationale, DNF ainsi que ses partenaires de l’alliance contre le tabac (ACT) ont été auditionnés le 16 février 2021.

Une occasion pour DNF de rétablir la vérité et notamment sur une prétendue hausse des ventes de tabac pendant le confinement avancée par les buralistes. Gérard Audureau, Président de l’association, a pu ainsi expliquer aux parlementaires de la mission sa vision d’expert en matière de lutte contre le tabagisme en abordant les points suivant.

Résultats de la politique de lutte contre le tabagisme

DNF a déjà largement évoqué le rôle primordial que joue la politique de taxation pour réduire la consommation de tabac.
Les courbes croisées consommation/prix permettent ainsi de constater que les meilleures mesures de prévention, sans politique de taxation produisent des effets assez limités.
La réduction des ventes de 83,5 milliards de cigarettes en 2001 à 36 milliards en 2020 repose presque exclusivement sur 3 actions : le premier plan cancer en 2003, le PNRT en 2015 et le PNLT en 2018.
La première et la troisième action reposaient sur des programmes de taxation très ambitieux, la seconde (PNRT) développait un nombre très important de mesures de prévention, de contrôle des infractions, de création d’espaces sans tabac ainsi qu’un financement en forte augmentation des projets de lutte antitabac et le « paquet neutre ».

Appréciation de l’ampleur du commerce illégal et du commerce transfrontalier

L’annonce d’une hausse des ventes de tabacs dans le réseau des buralistes pendant le premier confinement a été très médiatisée, elle n’était pourtant que le fruit d’une manipulation bien orchestrée. DNF avait communiqué à plusieurs reprises sur cette désinformation notamment via un communiqué de presse en mai 2020.

Si le confinement a rapatrié les achats transfrontaliers pour les rendre aux buralistes, il faut s’en réjouir.
Cela ne permet cependant pas de considérer que la politique fiscale est en échec. En effet, non seulement le regain d’activité des buralistes frontaliers ne se traduit pas par une inversion de la courbe des livraisons nationales mais, en plus, les achats excédentaires correspondants auraient été faits à l’étranger sans le confinement.

Pour connaître l’effet réel de la politique de taxation, il faudrait donc quantifier, puis retirer des chiffres nationaux ces excédents locaux qui ne relèvent pas de consommations supplémentaires mais de consommations existantes réaffectées exceptionnellement à la consommation globale de la France.
Les ventes en dehors du circuit des buralistes existent malheureusement. Il ne leur est donné une notion d’importance catastrophique que dans l’objectif de freiner la politique de taxation, outil indispensable de la lutte contre le fléau de santé publique que représente le tabac.

En figeant les prix du tabac, on ne peut que faire augmenter sa consommation, notamment chez les plus jeunes et chez les plus démunis. La baisse des ventes en dehors du circuit des buralistes passe à la fois par la traçabilité, par une politique douanière forte et par une harmonisation des prix en Europe.

En trois ans, les ventes de cigarettes ont accusé une chute de 19,27%

Enfin, le site des douanes relaye les chiffres qui lui sont fournis par LOGISTA. Ainsi en 2019, il a été livré 37 206 626 338 de cigarettes et en 2020, 35 817 472 290 ce qui représente une chute des ventes de 3,73% en 2020 que ne dément pas la chute de 12.64% observée en janvier 2021. Par ailleurs, la pratique très discutable du principe « à jours de livraison constants » ne sert que de piège pour manipuler les chiffres réels de ventes.

Estimation de l’ampleur du marché parallèle du tabac : KPMG


« Le Rapport a été mandaté par PMPSA (Philip Morris Products SA »
•« Nous sommes assurés, autant que possible, que les informations présentées dans le présent Rapport sont conformes à nos sources d’informations, mais nous n’avons pas cherché à établir la fiabilité des sources d’informations en nous référant à d’autres preuves. »
•« Le présent Rapport n’a pas été conçu pour bénéficier à aucune entreprise spécifique, autre que le bénéficiaire »
•Ainsi, toute personne physique ou morale (autre que le bénéficiaire) qui lit le présent Rapport et choisit de s’y fier (ou de se fier à toute partie du présent Rapport) le fera à ses propres risques.
•Dans toute la mesure autorisée par la loi, KPMG LLP n’assume aucune responsabilité et n’acceptera aucune responsabilité au titre du présent Rapport.
•L’approche de KPMG, qui s’appuie sur les études Empty Pack Survey (Les « Etudes ramasse-paquets ») (des agences de recherche de marché mandatées par l’industrie du tabac

Extrait du rapport de KPMG concernant son étude sur le marché parallèle

En aucun cas, DNF ne met en cause le professionnalisme de KPMG qui, depuis plusieurs années, fait effectuer par des entreprises désignées par PMI des ramassages de paquets de cigarettes dans la rue. En 2005, DNF et OFT ont effectué ensemble une enquête dénommée « 100 paquets ». L’objectif de cette enquête était d’évaluer la proportion de paquets étrangers ou de contrefaçon dans la globalité de ces 100 paquets. Chaque association devait missionner ses adhérents pour effectuer ces ramassages dans les rues de 5 villes de France choisies pour, en principe, représenter un échantillonnage représentatif.
L’opération refaite dans les mêmes conditions les années suivantes a permis de relever des biais très importants tenant à la fois au choix des villes et au choix des quartiers dans lesquels étaient effectuées les ramassages.
Les précautions extrêmes prises par KPMG pour dégager sa responsabilité peuvent aussi bien laisser penser au constat de ces biais qu’à une forte pression du « client » désireux d’atteindre son objectif de freiner la politique fiscale ambitieuse de l’État.

L’encadrement européen des produits du tabac et des produits de substitution au tabac

DNF effectue régulièrement des études comparatives sur l’application et les effets du système de taxation européen qui repose sur la directive de 2011. Ces comparaisons lui permettent d’affirmer que la directive pourrait être très efficace en en modifiant quelques articles.

L’objectif étant de créer un calendrier plus contraignant qui permette :

  • D’imposer des augmentations régulières de certains minima.
  • De modifier les systèmes de taxation de certains produits comme le tabac chauffé, le cigarillo, le tabac à tuber et le tabac à narguilé

Doit-on réguler et fiscaliser les produits de substitution tabagiques, notamment l’e-cigarette ?

La cigarette électronique est un moyen efficace d’aide au sevrage tabagique, au même titre que les substituts traditionnels mais, contrairement à eux, elle ne dispose pas d ‘autorisation de mise sur le marché.
Elle a un avantage supplémentaire car elle joint le maintien de la gestuelle à la substitution nicotinique potentiellement dégressive.
Elle ne doit cependant pas être une porte d’entrée dans le tabagisme, ni un cheval de Troyes de l’industrie du tabac, ni une opportunité de fumer là où cela est autorisé et de vapoter là où fumer est interdit.

L’innocuité de ce produit comme la notion de vapotage passif inexistant sont désormais des arguments sans valeur.
La dangerosité de sa consommation semble être moindre que celle du tabac. Le recul insuffisant ne permet cependant pas de porter un jugement définitif sur l’opportunité, sans réserve, de sa promotion.
Les codes employés par ses « fans » pour en faire « le produit qui va sauver la planète » sont pratiquement les mêmes que ceux que l’industrie du tabac utilisait au siècle dernier pour cacher la dangerosité du tabac à l’opinion publique . Il en va, par exemple, ainsi de slogans tels que « 95% moins dangereux que le tabac » dont personne ne peut ignorer que l’opinion publique l’interprètera comme 95 fois moins dangereux alors que l’enquête britannique décrit une échelle de dangerosité de 100 pour 195.

Si la volonté de manipuler l’opinion n’avait pas été le but recherché, il suffisait de dire que la cigarette était 95% plus dangereuse que l’e-cigarette. Cependant, ce discours est bien moins valorisant !

L’Europe, dans son ensemble est nettement moins favorable à cette nouvelle forme d’addiction nicotinique que ne le sont le Royaume-Uni et la France. Il y a donc nécessité à réguler, en France, l’e-cigarette pour qu’elle reste une aide utile à la diminution du tabagisme si l’on veut pouvoir défendre l’idée qu’elle ne doive pas être assimilée à un produit du tabac dans la refonte de la directive de 2011.

Cependant, dès à présent, la seule application des textes en vigueur permettrait un début de régulation, notamment l’application des textes concernant la publicité qui, en l’absence de sanctions, constitue une faille immense dans laquelle s’engouffrent les fabricants de tabac pour promouvoir leurs produits chauffés probablement aussi dangereux que les produits traditionnels du tabac.

En Conclusion

Depuis le premier contrat d’avenir signé entre la confédération des buralistes et l’État, toutes les campagnes de taxation ont eu pour effet d’augmenter le revenu global de la profession.

La diminution régulière du nombre de débits de tabac participe également à l’augmentation des recettes individuelles.
Les différents plans qui se sont succédé ciblaient essentiellement la compensation des pertes occasionnées par le commerce transfrontalier.
Les fermetures de débits de tabac sont principalement dues à leur présence très majoritaire dans des territoires désormais désertés par leurs habitants et où les commerces les plus essentiels disparaissent. Ces fermetures sont également dues à la diminution des « clients tabac ». Leur fréquentation quasi-quotidienne faisait d’eux, en effet, des acheteurs d’autres produits proposés dans les bureaux de tabac. Les contrats d’avenir depuis l’origine favorisaient la diversification de ces commerces.
Mais il a fallu attendre jusqu’à très récemment pour voir la profession rentrer dans la logique volontaire de diversification.

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