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Le vapotage, otage des fabricants de tabac

par Céline Fournier

Interrogé en 2006 par un journaliste au sujet de la cigarette électronique qui venait d’apparaitre en France dans des pharmacies, Gérard Audureau avait eu cette réponse toujours très vraie, 15 ans plus tard : « Invention géniale qu’il ne faudra pas voir détourner de son objectif d’aide à l’arrêt du tabac ».

La cigarette électronique

Des fumeurs arrivent à se libérer de la dépendance à la nicotine en diminuant progressivement la dose de nicotine de leur e-cigarette. Ils finissent par se délivrer définitivement de la prison du tabac et de la nicotine : c’est une réussite, mais ..

L’appât du gain pour ceux qui en vivent, ou l’angélisme pour ceux qui les encouragent, ont transformé cet objectif louable. Ils ont fait du vapotage une pratique à la mode, et de la vapoteuse un produit hi-tech que ne renierait pas la haute couture.
Parallèlement, ils ont effectué un lobbying acharné :

  • pour obtenir que l’on puisse vapoter partout, ou presque partout,
  • pour obtenir que, sans contrôle, on puisse considérer la cigarette électronique comme un substitut nicotinique quand ces substituts nicotiniques sont, eux, contrôlés par l’ANSM (agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) et vendus exclusivement en pharmacie,
  • et pour obtenir enfin que les pouvoirs publics ferment les yeux sur la promotion du vapotage pourtant interdite par la loi.

La phase cachée de cette aventure devient évidente de jour en jour, mais tarde à être reconnue et combattue par ces apprentis-sorciers persuadés qu’ils ont reçu mission de sauver le monde.

Le tabac chauffé

L’industrie du tabac profite de l’engouement qui règne autour de la cigarette électronique. Elle profite aussi du laxisme bon enfant des pouvoirs publics qui ferment les yeux sur les dérives de ceux qui font commerce de l’e-cigarette. Enfin, elle investit massivement dans la production de cigarettes électroniques, puis en transforme la nature mais en maintient l’apparence ; l’e-liquide de la cigarette électronique est remplacé par du tabac chauffé à 350°, belle mascarade aux effets potentiellement délétères pour la santé.

Cette manœuvre, bien dans les habitudes de l’industrie du tabac, pouvait facilement être combattue si elle ne s’était accompagnée d’une rhétorique chère aux fabricants de cigarettes électroniques, la réduction du risque (RDR), et si elle n’avait pas été portée par une fédération de la vape présidée par un fabricant de cigarette électronique mais dont secrétaire général et trésorier sont des représentants officiels de deux compagnies de tabac très connues.

Forte de ce soutien et de la similitude apparente des deux produits, l’industrie du tabac a ainsi pu massivement investir la sphère médiatique et même s’inviter dans les plus hautes instances sanitaires en prétendant participer à l’effort de santé publique.

Les sachets de tabac ou de nicotine à garder en bouche

C’est une nouvelle fois pour valoriser le principe de « réduction du risque » que la mouvance de la cigarette électronique a emboité le pas des industriels du tabac pour remettre en question l’interdiction, exception faite pour la Suède, de commercialisation du Snus en Europe.

Or, une enquête suédoise de septembre 2019 précise que « environ 20 % des Suédois et 5 % des Suédoises, prennent régulièrement du snus contre respectivement 15 % et 17 % pour le taux de fumeurs« . L’addition des deux dépendances mortifères permettrait ainsi de situer la prévalence tabagique à un taux élevé de 35% chez les hommes et 22% chez les femmes. Les Suédois consomment en moyenne 48 cigarettes par an, ce qui est supérieur à la consommation des Britanniques (36) et très proche des Irlandais (50) et même des Français (53) comme les chiffres officiels rapportés au nombre d’habitants en atteste.

Pourtant, la consommation de Snus est notamment associée à un » risque accru de cancer du pancréas et de l’œsophage, d’augmentation du risque du cancer de l’estomac et du rectum, d’augmentation de la tension artérielle et de la léthalité après infarctus et AVC, de survenue de diabète de type 2 chez les gros consommateurs, de risque de naissance prématurée en cas de consommation pendant la grossesse. Les consommateurs de snus qui arrêtent après infarctus diminuent par deux leur risque de décès dans les deux années suivantes »

Mais les initiatives de l’industrie du tabac ne se limitent pas au rachat des marques de Snus. Ils innovent en mettant notamment sur le marché des sachets de nicotine sans tabac. Le seul objectif visé étant de maintenir coute que coute leurs victimes dans la dépendance pour les ramener progressivement au tabac.

Protégeons la cigarette électronique

La cigarette électronique, même s’il ne faut pas en attendre plus qu’elle ne peut apporter, demeure un moyen efficace de se débarrasser de l’addiction au tabac. Elle n’est pas sans danger pour la santé et doit donc rester un moyen temporaire de lutter contre une addiction meurtrière.

Ceux qui, comme fabricants ou comme consommateurs ou comme thérapeutes, veulent défendre l’avenir de cette pratique doivent impérativement couper tout lien avec l’industrie du tabac dont ils sont devenus les marionnettes. Ils doivent également revenir sur l’objectif insensé de vapoter partout ou fumer est interdit car il n’est pas judicieux de revenir sur un moyen de sevrage accepté, sauf à vouloir imposer une nouvelle forme de pratique addictive

Tout fabricant qui souhaite présenter sa cigarette électronique comme un produit « supprimant l’envie de fumer ou réduisant l’accoutumance au tabac » doit savoir qu’il doit respecter les article L.5121-2 et L.5121-8 du code de la santé publique car sa e-cigarette devient ainsi un médicament qui doit obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM). Il ne pourra en faire la promotion qu’à cette condition et à celle de respecter les articles L.3515-3 11ème et suivants du même code.

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