Le gouvernement l’a annoncé : à partir du 1er juillet 2025, il sera interdit de fumer sur les plages, dans les parcs publics, aux abords des écoles, sous les abris de bus et dans les équipements sportifs. Une mesure saluée par les associations de santé publique. Elle marque une avancée notable pour la protection des non-fumeurs, notamment des enfants. Mais une exception majeure subsiste : les terrasses des cafés et restaurants, pourtant lieux emblématiques de la vie sociale française, ne sont toujours pas concernées.
Une exception française qui interroge
Le pouvoir exécutif, sous la pression des syndicats de la restauration, préfèrent botter en touche. Il affirme vouloir cibler son action sur les lieux fréquentés par les enfants ou éviter de contrarier la part très marginale des Français qui rendent les terrasses infréquentables.
Des propos en décalage total avec la réalité exprimée par la population et par les touristes étrangers. Selon une récente étude YouGov publiée par Le HuffPost, près de 7 Français sur 10 souhaitent une interdiction de fumer sur les terrasses des bars et restaurants. Ce constat rejoint les tendances observées depuis plusieurs années par Demain sera non-fumeur, à travers son propre baromètre réalisé par OpinionWay. L’étude DNF “Lieux sans tabac” est menée annuellement depuis 2019 (hors interruption pendant la crise Covid) auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1 000 personnes. Le sondage 2025 est en cours de réactualisation, mais ses dernières éditions plaçaient déjà les terrasses parmi les premiers lieux où les Français souhaitent ne plus être exposés à la fumée.
Une attente massive de la clientèle
Contrairement à une idée reçue, la majorité des clients préfèrent des terrasses sans fumée. Cette préférence concerne les familles, les jeunes, les non-fumeurs, mais aussi de nombreux fumeurs qui souhaitent être protégés du tabagisme passif lorsqu’ils ne fument pas, ou qui traversent une phase de sevrage.
Chez Demain sera Non-Fumeur (DNF), les questions posées au quotidien témoignent de cette attente. Et pourtant, dans les faits, très peu d’établissements proposent une alternative. La présence de la fumée, des odeurs, des cendres ou encore des mégots sur le sol dégrade considérablement l’expérience client.
Une opportunité manquée pour les restaurateurs
De nombreux professionnels redoutent qu’une interdiction du tabac en terrasse fasse fuir la clientèle. Pourtant, l’expérience de l’interdiction du tabac dans les lieux clos en 2007 démontre exactement l’inverse : les établissements n’ont pas perdu de clients, et beaucoup ont attiré de nouveaux publics, notamment des familles ou des personnes sensibles à la qualité de l’air.
Le tabac ne valorise pas une terrasse : il dégrade l’expérience client, altère les saveurs, gêne les non-fumeurs et génère un environnement désagréable. Fumée, odeur, mégots au sol… tout cela contredit les efforts des restaurateurs pour offrir un moment convivial et raffiné.
DNF travaille avec des professionnels qui ont choisi de rendre leur terrasse non-fumeur. Leur retour est unanime : les clients plébiscitent cette démarche.
« Une terrasse sans tabac, c’est une bulle de bien-être. C’est un choix commercial gagnant, une posture alignée sur les attentes de la société », rappelle DNF.
DNF, près de 20 ans d’engagement pour des terrasses non-fumeurs
Depuis près de vingt ans, DNF agit pour rendre les terrasses plus respirables. Dès 2011, l’association révélait dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH)1, que certaines terrasses fermées et couvertes affichaient des niveaux de pollution aux particules fines supérieurs à ceux du périphérique parisien.
En 2017, sous l’impulsion de la ministre Marisol Touraine, DNF lançait le site collaboratif materrassesanstabac.fr, permettant de valoriser les établissements volontaires. Ce dispositif, toujours actif, pourrait prendre une ampleur nouvelle s’il bénéficiait d’un réel soutien financier.
Un cadre juridique clair, des infractions récurrentes
Il est important de le rappeler : aucun flou juridique ne subsiste. Une circulaire ministérielle précise que l’interdiction de fumer concerne aussi les terrasses fermées et couvertes de façon permanente. DNF a obtenu plusieurs condamnations en justice, posant une jurisprudence claire.
« Une terrasse fermée et couverte est, au regard de la loi, un espace non-fumeur. Il n’y a pas de zone grise. Pourtant, de nombreux établissements continuent à autoriser la cigarette dans ces espaces, en violation du droit », rappelle DNF.
Une exposition préoccupante des salariés
Les salariés du secteur HORECA (hôtellerie-restauration-cafés) sont en première ligne. Travailler dans des terrasses fermées où l’on fume les expose à une pollution quotidienne qu’ils ne choisissent pas. Et c’est d’autant plus préoccupant que ce secteur présente l’un des taux de tabagisme les plus élevés, renforçant les risques pour la santé.
La question des terrasses n’est donc pas seulement une question de confort ou d’image : c’est un enjeu de santé publique et de justice sociale.
Une dynamique nationale à enclencher
Le gouvernement semble aujourd’hui s’arrêter à mi-chemin. Il est certes louable d’interdire le tabac sur les plages ou aux abords des écoles, mais il est temps d’écouter aussi les citoyens qui veulent respirer en terrasse. Il est temps de protéger les salariés de la restauration. Et de faire respecter une réglementation existante, en soutenant les outils comme Ma terrasse sans tabac, qui attendent un signal clair pour se redéployer pleinement.
Dans cette perspective, DNF prépare une nouvelle version de son projet national “Terrasse sans tabac” pour accompagner les restaurateurs dans une transition progressive, avec l’objectif d’une interdiction complète d’ici cinq ans.
La société est prête. Les restaurateurs sont nombreux à souhaiter une évolution. Il ne manque plus qu’un soutien politique fort pour impulser cette dynamique. Ce n’est plus une question de faisabilité : c’est une nécessité sociale, sanitaire, économique — et de justice pour tous.