Terrasses sans tabac (acte 3), la Cour de cassation annule toutes les décisions et corrige des imperfections du décret le 13 juin 2013

par Céline Fournier

Terrasses sans tabac (acte 3), la Cour de cassation annule toutes les décisions et corrige des imperfections du décret le 13 juin 2013

Il n’était pas pensable de rester dans une situation aussi catastrophique à l’égard de la santé publique dans les lieux de convivialité en France. En effet, alors que nos voisins italiens et irlandais encaissaient déjà les bénéfices de leurs évolutions législatives identiques à la nôtre avec une chute respective des infarctus de 13% et 15%, la France devait se contenter de moins de 2%.
L’omniprésence de la fumée de tabac dans les lieux de convivialité en était la cause essentielle. Sortie par la porte le 31 décembre 2007, la fumée rentrait par la fenêtre grande ouverte dès le 2 janvier 2008 et allait rapidement priver ceux qui souhaitaient en être protégés de la possibilité de consommer dans un espace sans tabac dans la plupart des établissements qui possédaient une terrasse.

DNF a donc décidé de demander à la juridiction suprême de prioritairement relire les décisions que DNF persistait à considérer contraires à la loi, mais également de définir clairement certains termes imprécis du décret comme « lieu fermé et couvert » ou « qui accueille du public ».

13 juin 2013 la cour de cassation définit, pour les terrasses, la notion de lieu fermé et couvert :

Vu les articles L. 3511-7 du code de la santé publique, interprété à la lumière de l’article 8 de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte anti-tabac du 21 mai 2003 ratifiée par la France le 19 octobre 2004 et l’article R. 3511-1, 1° du même code, ensemble l’article 1382 du code civil ;

Attendu

  • qu’en application du premier de ces textes, il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs ;
  • que selon le second, l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l’article L. 3511-7 s’applique dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail ;
  • qu’il en résulte que la terrasse d’un établissement accueillant du public ne constitue pas un lieu fermé et couvert où s’impose l’interdiction totale de fumer, dès lors que close des trois côtés, elle n’a ni toit ni auvent, ou bien si, disposant d’un toit ou auvent, elle est intégralement ouverte en façade frontale ;

Attendu

  • selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2012), que l’association DNF, qui a pour mission reconnue d’utilité publique de lutter contre le tabagisme et d’agir pour le respect de la réglementation qui protège les non-fumeurs, reprochant à la société XXX de ne pas respecter les dispositions des articles L. 3511-7 et R. 3511-1 et suivants du code de la santé publique relatives à l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, dans le restaurant ayant pour enseigne « Le Zzzz » qu’elle exploite …, l’a assignée en paiement de dommages-intérêts et délivrance d’une injonction, sous astreinte, de se mettre en conformité avec les dispositions de ce code ;

Attendu,

  • que pour débouter l’association de l’ensemble de ses demandes, l’arrêt confirmatif énonce qu’invoquant une faute au sens de l’article 1382 du code civil, il appartient à l’association d’établir, d’une part, que l’espace litigieux constitue effectivement un lieu fermé et couvert relevant des dispositions de l’article R. 3511-3 du code de la santé publique, d’autre part,
  • que les autres espaces sont dépourvus de la signalétique relative à l’interdiction de fumer prévue par l’article R. 3511-6, étant observé qu’il ne s’agit pas de savoir si les lieux litigieux sont de nature à protéger les consommateurs contre l’exposition tabagique mais de savoir si ceux-ci sont des « lieux fermés » au sens des dispositions réglementaires en vigueur ;
  • qu’en l’espèce, l’huissier de justice mandaté par l’association, ayant procédé à un constat, depuis l’extérieur du café, s’est borné à une description de onze lignes, faisant état d’une terrasse hermétiquement close, tout en relevant des espaces d’ouverture d’environ 50 cm entre le store banne et la façade avant de la terrasse ;
  • que les photos versées aux débats ne sont que des copies de mauvaise qualité, ne permettant pas une vision précise de la situation de la terrasse ;
  • qu’en tout état de cause, l’existence d’un espace ouvert entre les châssis et le store banne, ne permet manifestement pas de dire que la façade est fermée, même si elle n’est pas complètement ouverte ;
  • Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que la terrasse du café « Le Zzzz », librement accessible à l’usage collectif des consommateurs et du personnel de l’établissement, mais également fermée par ses trois côtés principaux, et munie seulement d’une aération partielle sous toiture, comme telle impropre à répondre à l’exigence susvisée, constituait un lieu fermé et couvert accueillant du public et constituant un lieu de travail, la cour d’appel a violé par fausse application les deux premiers de ces textes et n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du troisième ;

Un jugement et quatre autres qui feront jurisprudence

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

  • CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 mai 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles;
  • Condamne la société Le Self-service aux dépens ;
  • Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Self-service royal à payer à l’association Les Droits des non-fumeurs la somme de 3 000 euros ;
  • Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

La Cour de cassation a renvoyé l’affaire pour être rejugée devant la Cour d’appel de Versailles

La Cour de Cassation a remis les principes en place mais son rôle se limite à cela. Elle renvoie l’affaire à la Cour d’appel de Versailles poir être mieux jugée. (Acte 4)

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