Terrasse sans tabac (acte 4) : la Cour d’appel de Versailles porte un jugement en parfait accord avec la cassation

par Céline Fournier

Forte des dernières clarifications sur la lecture des textes règlementaires par la Cour de cassation, la Cour d’appel de Versailles rappelle que le rôle du juge est de respecter l’objectif du législateur

11 juin 2015, la Cour d’appel de Versailles estime que :

  • Les constatations de l’huissier, effectuées le 8 janvier 2010, à une heure non précisée, sont les suivantes : Aucun affichage apparent du principe d’interdiction de fumer sur la terrasse n’est apposé sur la façade et les retours de la terrasse.
  • Il n’est pas contesté que l’article L.3511-7 du code de la santé publique dispose qu’il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif et que l’application de ce texte doit faire l’objet d’un décret d’application. L’article R.3511-1 modifié du même code précise que l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif mentionnée à l’article L3511-7 s’applique dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail.
  • Les circulaires interprétatives de ce texte précisent, pour celle du 29 novembre 2006, que, s’agissant des locaux dits de convivialité tels que les cafés… « l’interdiction s’applique dans les lieux fermés et couverts, même si la façade est amovible », et qu’il ‘sera donc permis de fumer sur les terrasses, dès lors qu’elles ne sont pas couvertes ou que la façade est ouverte’. Les mêmes prescriptions sont reprises dans la circulaire du 17 septembre 2008, qui précise qu’il y a lieu d’entendre par espace extérieur (dans lequel l’interdiction ne s’applique pas) les terrasses totalement découvertes quand bien même elles seraient closes sur leurs côtés, les terrasses couvertes mais dont le côté principal est intégralement ouvert.
  • Il est suffisamment établi par les constatations sus relatées que la terrasse litigieuse ne répond pas aux conditions légales et réglementaires nécessaires pour échapper à l’interdiction de fumer, dans la mesure où elle est fermée quasi entièrement, peu important à cet égard que le store-banne puisse être replié, ou que les parois soient amovibles en été. Cette terrasse doit donc être considérée comme un lieu fermé et couvert qui accueille du public ou constitue un lieu de travail.
    S’il est vrai que des circulaires ne constituent pas des dispositions contraignantes, l’interprétation de la loi par le juge doit se faire conformément au but du législateur, lequel est, en ce qui concerne les dispositions légales et réglementaires précitées, fondé sur des impératifs de santé publique, en sorte que c’est l’interprétation la plus favorable au but poursuivi qui doit prévaloir.
  • Le fait, certes regrettable, que l’heure du constat ne soit pas précisée, n’enlève rien à la force probante des constatations de l’huissier selon lesquelles sont présentes sur cette terrasse deux personnes dont une fume, et des tables pourvues de cendriers.
  • La seule présence de fumeurs démontre en l’espèce que fumer est toléré dans l’établissement. Il est donc établi que la société, en capacité en sa qualité d’exploitante de s’opposer à ce que l’on fume hors de locaux dédiés au sein de son établissement, a contrevenu aux dispositions de l’article R3512-2 du code de la santé publique réprimant par une peine d’amende contraventionnelle de 4e classe le fait de favoriser, sciemment, par quelque moyen que ce soit, la violation de l’interdiction de fumer.
  • La faute commise par la société XXX est donc suffisamment démontrée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs formulés par DNF, et sera retenue.
  • DNF, association reconnue d’utilité publique, qui a pour buts, selon ses statuts, de permettre aux non- fumeurs de participer à la vie sociale et collective sans avoir à supporter la fumée du tabac des fumeurs, d’agir auprès des pouvoirs publics pour obtenir le respect de la réglementation de protection des non-fumeurs et d’exercer les droits de la partie civile pour les infractions à ladite réglementation, subit nécessairement un préjudice direct et personnel du fait de la faute établie, qui sera justement réparé par la somme de 3 000 euros.
  • Il sera également fait injonction à la société XXX de se mettre en conformité avec les dispositions du code de la santé publique et du code du travail relatives à la réglementation et à la protection contre le tabac, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé le délai d’un mois après signification du présent arrêt.
  • Succombant, la société XXX sera condamnée aux dépens de première instance et aux dépens des deux instances d’appel et devra contribuer, en équité, aux frais de procédure exposés par DNF à hauteur de 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

  • Condamne la société XXX à payer à l’association DNF la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, et la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
  • Lui fait injonction de se mettre en conformité avec les dispositions du code de la santé publique et du code du travail relatives à la réglementation et à la protection contre le tabac,
  • Dit que, faute pour elle de l’avoir fait passé le délai d’un mois après signification du présent arrêt, elle pourra être condamnée à une astreinte de 200 euros par jour de retard,
  • La condamne aux dépens de première instance, et des deux instances d’appel, avec recouvrement direct.

Un an plus tard, la terrasse n’est toujours pas en conformité

La société XXX ne se met pas en conformité et contraint DNF à faire effectuer par un huissier un nouveau constat qui lui permettra de demander au juge de l’exécution de déterminer le montant des astreintes dues.

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