L’exception culturelle pour le tabac que DNF n’a pas permis d’inscrire dans la Loi

par Gérard AUDUREAU

Une campagne si bien montée qu’elle finit en un déni de démocratie

Avril 2009 : La régie publicitaire « Metrobus » affuble la pipe de Mr Hulot d’un moulin à vent jaune au motif ridicule que cela lui évitera un procès que ne manqueraient pas de lui intenter les associations anti-tabac.
S’en suivent les polémiques Chanel, Delon, Chirac, Soan, Dutronc inspirées des mêmes faux présupposés.

18 novembre 2010 : Didier Mathus dépose une proposition de loi1 signée par 205 députés. Il part en guerre contre les supposées dérives de la loi Évin et la prétendue interprétation excessive qui en serait faite par les associations.
L’article unique de cette proposition rajoute une exception à l’interdiction de publicité en faveur du tabac :
« 3° Aux œuvres artistiques ou culturelles mises à disposition du public au sein desquelles figure une image ou une référence liée au tabac, non financées directement ou indirectement par l’industrie du tabac et qui n’ont pas pour objet d’en faire de la publicité ou de la propagande. »

1er décembre 2010 : DNF écrit à Didier Mathus, puis à son attachée parlementaire ainsi qu’aux 5 députés porteurs du projet. L’association finit par obtenir un rendez-vous pour le 19 janvier à 16h30, mais ce même jour à 9 heures, la presse est convoquée au débat en commission des affaires culturelles sur cette proposition de loi. Ni les associations, malgré leurs demandes répétées, ni les acteurs chargés de la politique de santé publique ne seront entendus avant ce débat.

Un exposé des motifs basé sur la tromperie et les insinuations infondées

Les dérives de la Loi Evin exposeraient les publicitaires et les régies à des procès.
En réalité il n’y a jamais eu d’action judiciaire engagée à l’encontre d’œuvres culturelles ou de personnages historiques. Et même l’ARPP2, qui en prend prétexte, ne peut finalement avancer aucune preuve.

La dérive de la Loi Evin va bientôt conduire à la censure, notamment dans les romans où l’on ne pourra plus faire référence à la cigarette
En réalité, aucun livre n’a, à ce jour, fait l’objet d’une quelconque censure à ce sujet.

L’industrie du tabac ne financerait pas la diffusion ou la création d’œuvres culturelles
Les documents internes de l’industrie du tabac confirment que l’industrie du tabac met en avant ses produits, cachée derrière des agences, fondations ou entreprises sans relation avec le tabac3.

Les conséquences que cette proposition de loi voulait ignorer

L’adoption de cette proposition de loi pouvait radicalement inverser les progrès obtenus en 20 ans grâce à la loi :

  • Toute œuvre artistique ou culturelle – ou prétendant l’Être – pourra inclure, sans restriction, des images ou des références à caractère publicitaire ou promotionnel pour le tabac
  • Qui pourra déterminer qu’il s’agit d’une œuvre artistique ou pas ?
  • Il suffira de faire appel à des réalisateurs ou artistes de renom pour transformer une campagne publicitaire en une œuvre artistique.
  • L’industrie pourra financer ses campagnes en faisant appel aux meilleurs artistes sans qu’apparaisse son nom. Mais les associations n’auront toujours pas les moyens de prouver ou de tracer ces financements. En effet si le ministère public dispose du pouvoir d’investigation, les associations, elles, n’en disposent pas.

La législation concernant les droits d’auteur et la propriété intellectuelle protège déjà le patrimoine culturel

  • Il est inutile de rajouter des lois aux lois,
  • surtout lorsque ces lois ont pour objectif unique de faciliter la promotion d’un produit qui tue prématurément un de ses consommateurs sur deux.

Que reste-t-il de ce projet de loi machiavélique ?

Le porteur de cette proposition a accepté de la retirer à condition qu’une circulaire4 rappelle son contenu

  • La circulaire est un texte administratif rédigé pour informer les différents services d’un ministère, ou les agents des services déconcentrés (préfecture, par exemple). C’est un acte administratif qui n’a pas valeur de loi.
  • Même si la circulaire n’est pas aussi perfide que la proposition de loi, sa seule existence permet à l’industrie du tabac de considérer, à tort, qu’elle peut imposer sa présence dans le monde artistique et notamment de manière disproportionnée dans les films et les séries.

  1. https://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion2972.asp ↩︎
  2. ARPP : Autorité de régulation de la publicité professionnelle ↩︎
  3. Cash investigation : https://youtu.be/VkxNX1GD-N4 ↩︎
  4. circulaire du 28 mars 2012 : https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=34988 ↩︎

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