Alors que le tabagisme reste un véritable fléau en matière de santé publique, l’Alliance contre le tabac (ACT) lance sa première campagne « Le vrai coût du tabac pour tous ». L’objectif : démontrer que la lutte contre le tabagisme nous concerne tous, que ce soit d’un point de vue financier ou pour des raisons sanitaires.
Un programme novateur pour dénormaliser le tabac
Cette campagne de l’ACT s’intègre dans un nouveau programme ayant pour objectif la débanalisation de l’industrie et des produits du tabac en France. Celui-ci s’appuiera sur des campagnes d’information et de décryptage basées sur des indicateurs de la perception du tabac en France, en l’occurrence les résultats des enquêtes trimestrielles menées par BVA pour l’ACT. Financé par le fonds de lutte contre les addictions, ce programme s’adresse au grand public, mais également aux médias et aux décideurs politiques. L’ACT abordera jusqu’en 2023 des sujets liés aux méfaits de l’industrie du tabac et pourtant insuffisamment traités à l’heure actuelle. Le vrai coût du tabac en France en fait partie.
Une manne financière pour l’État ?
La taxation sur les produits de tabac fait polémique depuis bien longtemps. Il apparaît en effet que 56 % des Français considèrent qu’elle rapporte de l’argent à l’État[1]. Or, la réalité est toute autre puisque les gains n’équilibrent pas les coûts. Comme le montrent les indicateurs de l’ACT #1[2], les Français n’ont donc pas conscience du coût réel que représente le tabac pour notre société. Il est pourtant fondamental qu’ils intègrent cette réalité afin de comprendre la portée des mesures prises.
L’un des enjeux du programme de l’ACT est ainsi à la fois de mettre en avant la valeur protectrice de la hausse de la taxation des produits de tabac et de défaire l’idée selon laquelle l’État s’enrichit grâce à elle. En réalité, un paquet de cigarettes qui ne coûterait rien à l’État serait vendu 40 et 50 euros[3].
En effet, si les recettes annuelles liées au tabac s’élèvent à 16,55 milliards d’euros (recettes des taxes prélevées et économie de retraites non-versées), les coûts sociaux annuels qui lui sont inhérents représentent quant à eux 120 milliards d’euros[4] selon les propos de Pierre-Alexandre Kopp, professeur d’économie à l’Université Panthéon-Sorbonne et avocat à la cour de Paris. Ce montant est lié aux 75 000 décès de fumeurs annuels en France, aux 700 000 années de vie perdue, à plus de 8 milliards d’euros de perte de production et aux 26 milliards d’euros de soins.
Il faut ici rappeler qu’aujourd’hui, 30 % des Français déclarent fumer occasionnellement, 24 % quotidiennement. Le tabagisme est la première cause de mortalité évitable dans notre pays : il y est responsable de 75 000 décès[5].
Ces 120 milliards d’euros correspondent à environ 1 800 euros par habitant et par an en France, nouveaux-nés, enfants et non-fumeurs compris. Ce budget est par conséquent plus élevé que ceux réunis alloués à l’Education nationale et à la recherche ainsi qu’au développement durable. La lutte contre le tabac concerne donc directement l’ensemble de la population et non seulement les fumeurs.
D’autant plus qu’à l’inverse, les 4 géants de l’industrie – Philip Morris International, British American Tobacco, Japan Tobacco International et Imperial Brands, via des politiques d’optimisation fiscale, ne paient quasiment pas d’impôts en France.
La hausse du prix, le meilleur moyen de faire baisser la consommation de tabac
Depuis octobre 2004, la France a ratifié la convention cadre de lutte anti-tabac (CCLAT) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Or, cette dernière rappelle que l’augmentation des taxes sur le tabac est la solution la plus efficace pour réduire le tabagisme[6] et qu’elle est un réel outil de santé publique. En France, une augmentation de 2 euros sur le prix du paquet de cigarettes entre 2016 et 2019 a d’ailleurs permis de réduire la consommation de 17 % sur cette période. Par ailleurs, d’après les données publiées par Santé Publique France3 en 2018, les augmentations de taxes motivent 43,6 % des fumeurs à arrêter de fumer. De plus, parmi les anciens fumeurs quotidiens, 39,8 % affirment que la hausse des prix a été une motivation à leur sevrage[7]. Enfin, d’après les indicateurs de l’ACT, 61 % des Français sont en faveur d’une hausse de la taxation sur le tabac. C’est aussi le cas de 27 % des fumeurs[8].
Cependant, si l’efficacité de cette mesure ne semble plus à démontrer, une taxation progressive de tous les produits de tabac – y compris du tabac chauffé – au même niveau que les cigarettes industrielles est parallèlement à envisager rapidement, afin d’éviter des transferts de consommation.
En outre, l’ACT considère qu’en octobre 2021, les déclarations d’Olivier Dussopt, ministre de l’action et des comptes publics, annonçant qu’il n’y aurait pas d’augmentation des taxes sur le tabac d’ici 2022, mettent en péril la lutte contre le tabagisme.
Le débat lié au commerce illicite
Aujourd’hui, l’ACT suggère une harmonisation européenne qui permettrait de mieux protéger les citoyens en luttant contre le commerce de contrebande. Cette mesure permettrait également de contrer définitivement l’argument infondé des cigarettiers selon lequel la hausse des taxes favorise la marché illégal – tandis que l’OMS a déclaré que le développement du commerce illicite était essentiellement dû aux fabricants de tabac eux-mêmes.
En outre, le fait que le système du contrôle de la contrebande de tabac soit organisé par l’industrie elle-même reste extrêmement problématique : cette mission se doit par essence d’être indépendante des fabricants et des travaux sont désormais à mener dans ce sens.
Sources
Alliance contre le tabac, « Le vrai coût du tabac pour tous », En finir avec les idées reçues autour d’une mesure phare de la lutte contre le tabagisme : la taxation sur les produits de tabac, communiqué de presse, 9 décembre 2020
[1] Indicateurs de l’ACT #1 – enquête trimestrielle réalisée en novembre par BVA pour l’ACT sur la perception du tabac en France
[2] enquête trimestrielle réalisée en novembre par BVA pour l’ACT sur la perception du tabac en France
[3] Calcul vérifiée par l’ACT – « Tabac, le lobby des ramasses magots », Libération 8 mai 2019
[4] Le coût social des drogues en France, 2015, Pierre Kopp, http://www.ofdt.fr/publications/collections/notes/le-cout-social-des-drogues-en-france/
[5] BEH Santé Publique France n°14 – 26 mai 2020, Consommation de tabac parmi les adultes : bilan de cinq années de programme national contre le tabagisme, 2014-2019. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/14/2020_14_1.html
[6] OMS. Augmenter les taxes sur le tabac : ce que vous devez savoir. https://www.who.int/campaigns/no-tobacco-day/2014/brochure/fr/
[7] Opinions vis-à-vis de l’augmentation des taxes sur le tabac et conséquences sur la motivation à l’arrêt. Résultats du Baromètre de Santé publique France 2018
[8] Les indicateurs de l’ACT #1 – enquête trimestrielle réalisée en novembre par BVA pour l’ACT sur la perception du tabac en France