Bonjour,
J’habite au deuxième étage d’un immeuble. Les voisins du rez-de-chaussée sortent régulièrement sur leur balcon pour fumer et leur fumée et l’odeur associée s’infiltrent chez moi par les entrées d’air des fenêtres.
J’estime à environ 5m de hauteur la distance entre mon balcon et leur rez-de-jardin.
Est ce que cette fumée est nocive et si oui à quel degré ? Y’a t’il des travaux de modélisation sur la dégradation des substances nocives de la cigarette dans l’air ?
Merci
Bien cordialement
Benjamin Voisin
Réponse
Sur la protection légale
Aucune loi n’interdit de fumer chez soi, ce qui ne signifie pas que cela constitue un droit. En effet, la nuisance occasionnée par la fumée de tabac, lorsqu’elle prend un caractère excessif, devient un trouble anormal de voisinage par nuisance olfactive.
Il revient au syndic, au bailleur ou au propriétaire de faire « respecter la jouissance paisible du logement et (…) et le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle (…) ».
Le site de DNF peut vous aider à trouver des moyens de recours. Il faut cependant savoir que, sans dossier bien monté le recours amiable ou judiciaire aura peu de chances de prospérer.
Tant que le tabagisme passif ne sera reconnu que dans le cadre des lieux fermés et couverts accessibles au public, ces voies de recours demeureront très difficiles à parcourir.
Sur la dangerosité
L’odeur du tabac froid, outre la nuisance olfactive qu’elle occasionne, peut générer des troubles importants.
La dangerosité de cette nuisance filtrée naturellement par les obstacles rencontrés et fortement atténuée par sa dilution dans l’air n’en est pas moins néfaste pour la santé comme pour le bien-être.
L’organisation mondiale de la santé relève que « Le tabac fait plus de 8 millions de morts chaque année, dont une estimation de 1,2 million de non-fumeurs qui sont involontairement exposés à la fumée du tabac »
Oui, il existe des modèles validés pour la dégradation des substances nocives de la cigarette dans l’air, bien qu’ils soient complexes et en constante évolution. Il n’existe pas un seul modèle universel, mais plutôt une combinaison d’approches qui permettent de mieux comprendre les différents aspects du phénomène. Voici quelques exemples de modèles et d’approches validés :
Modèles de dispersion atmosphérique :
- Modèles gaussiens : Ces modèles, basés sur la distribution gaussienne, sont utilisés pour estimer la concentration des polluants en fonction de la distance de la source d’émission (la cigarette). Ils sont relativement simples à mettre en œuvre et sont souvent utilisés pour des estimations préliminaires. Des exemples incluent le modèle AERMOD (American Meteorological Society/Environmental Protection Agency Regulatory Model).
- Modèles eulériens et lagrangiens : Ces modèles, plus complexes, prennent en compte les mouvements de l’air (vent, turbulence) et les transformations chimiques des polluants. Les modèles eulériens (comme CMAQ – Community Multiscale Air Quality) divisent l’espace en cellules et calculent les concentrations dans chaque cellule, tandis que les modèles lagrangiens (comme NAME – Numerical Atmospheric-dispersion Modelling Environment) suivent le mouvement de particules virtuelles dans l’air. Ces modèles sont validés en comparant les simulations avec des mesures réelles de concentrations de polluants dans l’air.
Modèles de chimie atmosphérique :
- Mécanismes chimiques : Ces modèles décrivent les réactions chimiques qui se produisent entre les différents composés présents dans la fumée de cigarette et les autres composants de l’air (ozone, radicaux libres, etc.). Ils incluent des bases de données de réactions chimiques validées expérimentalement. Des exemples de mécanismes chimiques incluent le mécanisme SAPRC (Statewide Air Pollution Research Center) et le mécanisme MCM (Master Chemical Mechanism).
- Modèles photochimiques : Ces modèles, qui intègrent les effets de la lumière solaire sur les réactions chimiques, sont particulièrement importants pour la modélisation de la formation d’ozone et d’autres polluants secondaires.
- Modèles de dépôt et de remise en suspension des particules :
- Modèles de dépôt sec et humide : Ces modèles estiment la vitesse à laquelle les particules se déposent sur les surfaces en fonction de leur taille, de leur densité et des conditions météorologiques (vitesse du vent, pluie).
- Modèles de remise en suspension : Ces modèles simulent le processus par lequel les particules déposées sont remises en suspension dans l’air sous l’effet du vent, des mouvements des personnes ou d’autres perturbations.
Validation des modèles :
La validation des modèles est une étape cruciale pour s’assurer de leur fiabilité. Elle consiste à comparer les résultats des simulations avec des données expérimentales obtenues lors de campagnes de mesures en laboratoire ou en conditions réelles. Différentes métriques statistiques sont utilisées pour évaluer la performance des modèles, telles que :
- Coefficient de corrélation : Mesure la relation linéaire entre les valeurs simulées et les valeurs observées.
- Erreur quadratique moyenne (RMSE) : Mesure la différence moyenne entre les valeurs simulées et les valeurs observées.
- Indice d’accord (IOA) : Mesure le degré de concordance entre les valeurs simulées et les valeurs observées.
Limites et défis :
Malgré les progrès réalisés, la modélisation de la dégradation des substances nocives de la cigarette dans l’air reste un défi en raison de la complexité des processus impliqués. Parmi les limites et les défis, on peut citer :
- La grande diversité des composés présents dans la fumée de cigarette.
- La complexité des réactions chimiques qui se produisent dans l’air.
- La difficulté de modéliser les processus de dépôt et de remise en suspension des particules.
- Le manque de données expérimentales précises pour certaines substances et certains processus.
En conclusion, bien que des modèles validés existent pour la dégradation des substances nocives de la cigarette dans l’air, il est important de reconnaître leurs limites et de continuer à les améliorer grâce à de nouvelles recherches et de nouvelles données expérimentales. Ces modèles sont des outils précieux pour comprendre les mécanismes de la pollution tabagique et pour évaluer les risques pour la santé, mais ils doivent être utilisés avec prudence et interprétés avec discernement.