Dans les années 1920, les fabricants de tabac ont jeté leur dévolu sur une nouvelle cible marketing : les femmes. En effet, le marché masculin est presque saturé et le marché féminin s’avère très prometteur. D’ailleurs, en 1928, le Président d’American Tobacco écrit dans un document interne « C’est une mine d’or juste devant votre jardin ».
A cette époque, le tabagisme chez la femme n’est pas acceptable et socialement très mal vu. Les efforts des industriels se porteront sur la banalisation du tabagisme chez la femme mais aussi sur l’attractivité de la cigarette désirable grâce à des réclames très ciblées. Lors de la seconde guerre mondiale, les femmes ont remplacé les hommes partis au front dans les usines aux Etats-Unis. Les industriels se sont engouffrés dans la brèche en y voyant une véritable opportunité. C’est à cette époque, qu’on a vu apparaître des publicités clamant que « puisque celles-ci étaient devenues les égales des hommes, elles pouvaient fumer tout autant qu’eux. »
Dès lors le tabagisme est devenu le porte-drapeau de la modernité et de la liberté mais aussi un accessoire de mode pour devenir encore plus glamour. Les industriels ont d’ailleurs imaginé leurs produits pour lever certains freins à la consommation et rendre les cigarettes encore plus désirables avec un bon nombre de produits dérivés et spécifiquement dédiés aux femmes comme les cigarettes aromatisées ou les cigarettes ‘slim’. Parmi les symboles les plus souvent associés à la cigarette et à certaines marques en particulier, on retiendra le chic et l’élégance, la sophistication et le style, le luxe, la classe et la distinction, le charme, le plaisir et la réussite, et, dernier point mais non le moindre, la minceur. En étudiant la cible, l’industrie a su proposer des produits et des marques en lien avec les aspirations des femmes pour en séduire de plus en plus.
En France, le tabagisme féminin continuera d’augmenter jusqu’au début des années 90 et plus récemment entre 2005 et 2010. C’est d’ailleurs à cette époque que DNF sensibilisera certains magazines féminins aux risques encourus pour « propagande en faveur du tabac ». En effet, des grands titres français ajoutaient des cigarettes dans leurs pages modes et notamment celle avec des femmes influentes qui dans leur interview expliquaient que le geste de fumer était particulier beau et « classe ». Les dernières données 2020 laisse apparaitre une véritable baisse du tabagisme féminin sur toutes les tranches d’âges. Une bonne nouvelle chez les jeunes femmes qui connaissent des baisses sans discontinuer mais à des niveaux toujours très élevés.
Les femmes sont plus sensibles aux méfaits du tabac
A consommation égale, la femme semble plus sensible aux méfaits du tabagisme avec une augmentation très nette de la mortalité féminine liée au tabac, d’autant plus que les femmes qui s’y mettent ont tendance à poursuivre leur tabagisme. Alors que la mortalité liée au tabagisme diminue d’année en années chez les hommes depuis 20 ans[1], celle des femmes a doublé avec des prédictions plutôt sombres pour les années à venir.
Les maladies cardiovasculaires en forte hausse
Le tabagisme est le facteur de risque dominant chez les femmes présentant un infarctus du myocarde avant 50 ans. Selon la fédération de cardiologie, les hospitalisations pour infarctus du myocarde ont augmenté de 5% par an chez les femmes de 45 à 54 ans et plus du quart des décès par maladie coronaire chez les femmes de 35 à 49 ans étaient attribuables au tabac entre 2000 et 2015.
Toujours dans la même tranche d’âge, le tabagisme est le principal facteur d’accident vasculaire cérébral chez les femmes et les hospitalisations pour anévrisme de l’aorte abdominale ont augmenté de 3% par an chez les femmes de 55 à 64 ans entre 2000 et 2013. De plus, à consommation égale, les femmes fumeuses ont un risque majoré de 25 % de maladies coronaires. La femme est particulièrement sensible aux méfaits cardiovasculaires du tabac notamment lors de l’association pilule contraceptive au tabagisme. Une femme s’expose à un risque multiplié par 4 d’un AVC en fumant sous contraception progestative.
Enfin, il n’y a pas de petit tabagisme sans risque. L’impact cardiovasculaire est toujours présent même pour des niveaux faibles de consommation. En effet, on estime que le risque d’une consommation moyenne d’une cigarette par jour a été évaluée égale à la moitié de celui de la consommation de vingt cigarettes. C’est pourquoi il est impératif d’arrêter totalement le tabac.
Les cancers du fumeur se féminisent.
Le cancer du poumon a longtemps été masculin. Cependant, avec l’augmentation de la prévalence tabagique chez la femme, le cancer du poumon se féminise. Entre 2000 et 2014, la mortalité par cancer du poumon a augmenté de 71% chez les femmes alors qu’elle a diminué de 15% chez les hommes. La part des décès féminins liée au tabac est en progression du fait du développement du tabagisme des Françaises au cours des quarante dernières années. Il ne faut jamais oublier que le temps de latence entre la consommation de tabac et les premiers symptômes de cancer liés au tabac est de plusieurs dizaines d’années. On estime ainsi que le cancer du poumon deviendra à très court terme plus mortel que le cancer du sein chez la femme.
Le tabagisme féminin n’engendre pas seulement le cancer du poumon et reste un facteur de risque avéré dans près de 16 cancers dont certains sont en progression chez les femmes comme la vessie, le rein, le pancréas, le col de l’utérus, et les voies aérodigestives supérieures etc…
Selon Valérie Olié, épidémiologiste et participante à une étude sur la mortalité féminine liée au tabac[2], le pourcentage de décès attribuables au tabac chez les femmes montre une très forte progression depuis l’année 2000 avec un taux de croissance annuel moyen continu de 6 % entre 2000 et 2014 (contre une baisse de 1 % pour les hommes).
Pour la BPCO (bronchopneumopathie Chronique Obstructive) le taux de patients hospitalisés pour une exacerbation a doublé chez les femmes entre 2002 et 2015 alors qu’il n’a augmenté que de 30% chez les hommes et la mortalité a augmenté de 3 % chez les femmes alors qu’elle a diminué de 21 % chez les hommes.
A Retenir
L’industrie du tabac a rapidement compris le potentiel commercial que représentait les femmes. Les fabricants ont donc jeté dès les années 20 leur dévolu sur une cible jugée prioritaire. A renfort de publicité directe ou indirecte, ils ont su séduire les femmes en rendant le tabac socialement plus acceptable et en lui attribuant les concepts de séduction, d’élégance, d’émancipation et de modernité.
La prévalence tabagique des femmes a très rapidement augmenté. Alors que celle des hommes a baissé dès les années 70, la proportion de fumeuses a continué d’augmenter jusqu’aux années 90.
A consommation égale, les femmes sont plus sensibles aux méfaits du tabagisme. La mortalité des femmes a doublé en 15 ans et les projections pour les années à venir sont plutôt sombres avec davantage de maladies cardiovasculaires et de cancers liés au tabagisme.
Les Françaises continuent de fumer pendant leur grossesse. Elles sous-estiment les dangers pour elle et leur futur enfant et méconnaissent l’impact du tabac sur l’appareil reproducteur. Chaque année, près de 150 000 enfants naissent en ayant été exposés au tabac in utéro.
[1] Évolution des nombres de décès attribuables au tabagisme chez les hommes et les femmes de 2000 à 2015, France métropolitaine – BEH- mai 2019
[2] Changes in tobacco-related morbidity and mortality in French women: worrying trends. European Journal of Public Health, ckz171.
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