La consommation de tabac en France : Pourquoi rentre-t-on dans le tabagisme et comment en sort-on si difficilement  

par Céline Fournier

A l’occasion du mois sans tabac, DNF en collaboration avec l’Alliance contre le tabac dans le cadre d’un financement par le Fonds de lutte contre les addictions, publie une série d’articles et de vidéos afin d’informer sur le processus de fabrication du tabac. Les produits du tabac, en plus de nuire à la santé humaine, ont un impact considérable sur l’environnement, du début à la fin de sa chaine, de la production jusqu’à son état de déchet.  

Après avoir abordé les thèmes de la culture du tabac, de la fabrication de la cigarette et de sa vente, cet article se consacre à la dépendance et à la consommation de tabac en France.  

Comment devient-on fumeur ? 

Le tabac est la substance psychoactive la plus consommée quotidiennement en France. Cette substance est un composé chimique capable d’altérer la cognition, l’humeur ou le comportement en agissant sur le système nerveux central. Son utilisation peut entraîner des effets variés sur la perception et la conscience, mais elle comporte également des risques pour la santé et crée une dépendance. 

Le tabac est la seule drogue licite donnant lieu à un taux d’usage quotidien important dès l’adolescence. Chaque année, 200 000 jeunes tombent dans le piège du tabagisme. L’adolescence est une période particulièrement sensible notamment pour l’entrée dans les addictions.  

On estime que l’âge de la première cigarette se situe entre 13 et 14 ans. A cet âge, les adolescents sont tentés plus facilement par le tabac notamment en raison de pressions sociales et de l’influence de leurs pairs, de la perception véhiculée par les médias et la publicité, de la curiosité et de la recherche d’identité, ainsi que pour gérer le stress ou les émotions.   
Fumer est présenté encore bien trop souvent comme un passage obligatoire, comme un rituel, pour passer à l’âge adulte. En fumant, l’ado transgresse un interdit, expérimente un produit et pense s’affranchir de l’autorité de ses parents.  Pourtant, c’est tout le contraire, le jeune se soumet à une industrie qui a tout fait pour le piéger et le rendre très rapidement dépendant.  
 
L’industrie ne cible pas prioritairement cette jeunesse au hasard. Il est prouvé que rentrer dans le tabagisme à l’adolescence rend bien plus difficile l’arrêt. En France, l’âge moyen d’entrée dans le tabagisme quotidien est de 15.3 ans soit environ un an après l’expérimentation.   

Certains adolescents peuvent ressentir des signes de dépendance après avoir fumé seulement quelques cigarettes. La vulnérabilité à devenir dépendant à la nicotine peut être plus élevée chez les jeunes en raison du développement en cours du cerveau et de sa sensibilité accrue aux effets addictifs de la nicotine. L’arrivée de nouveaux produits fortement nicotinés tels que les puffs ou les pouches est un réel danger pour ces adolescents qui ne tarderont pas à passer à la cigarette traditionnelle notamment pour répondre à leurs moments de manque en nicotine.  

La dépendance au tabac arrive très rapidement.  

La dépendance au tabac est principalement due à la nicotine, une substance présente dans le tabac. La nicotine est une drogue qui provoque la dépendance en agissant sur le cerveau. Lorsqu’une personne fume, la nicotine est rapidement absorbée par le sang et atteint le cerveau en quelques secondes. Ensuite, elle libère des neurotransmetteurs, en particulier la dopamine, qui est associée au plaisir et à la récompense. On parle ainsi du circuit de la récompense, cercle vicieux du besoin impérieux de cette dose de plaisir.  

Avec le temps, le cerveau s’adapte à la présence régulière de la nicotine en modifiant la sensibilité des récepteurs nicotiniques. Cela signifie que pour ressentir les mêmes effets, la personne a besoin de fumer davantage pour stimuler ces récepteurs. En conséquence, le corps et le cerveau s’habituent à la nicotine et la tolérance augmente, ce qui conduit à une augmentation de la consommation pour maintenir les mêmes effets. 

Lorsqu’une personne essaie d’arrêter de fumer, elle peut ressentir des symptômes de sevrage tels que des irritations, de l’anxiété, de l’irritabilité et des envies intenses de fumer. Ces symptômes de sevrage contribuent à maintenir la dépendance en incitant souvent la personne à recommencer à fumer pour soulager ces sensations désagréables. 
 
En général, les tentatives d’arrêt du tabac peuvent être difficiles, et beaucoup de personnes peuvent avoir besoin de plusieurs essais avant de réussir à arrêter définitivement. Les statistiques et les études varient, mais on estime qu’environ 20 à 30% des personnes qui tentent d’arrêter de fumer réussissent à rester abstinentes à long terme. 

Le taux de réussite peut augmenter considérablement avec un soutien approprié, qu’il s’agisse de conseils et d’assistance médicale, de programmes de sevrage tabagique, de médicaments pour aider à réduire les envies de nicotine, ou de soutien psychologique. 

Il est essentiel de noter que malgré les difficultés rencontrées lors des tentatives d’arrêt, chaque nouvelle tentative est un pas vers le succès : Elle peut aider à renforcer la motivation et à développer des stratégies pour finalement réussir à arrêter de fumer de manière permanente. Si vous êtes dans la démarche d’arrêt du tabac, il est recommandé de contacter tabac-info-service (3989) pour vous accompagner gratuitement.   
 

La consommation de tabac en France 

Pour mesurer la consommation de tabac, on parle de prévalence tabagique ou, autrement dit, le pourcentage de fumeur dans la population générale de 18 à 75 ans.  

Il faut différencier dans cette prévalence, les fumeurs dit occasionnels (tabagisme la plupart du temps social lors de soirées par exemple) et les fumeurs quotidiens très dépendants du tabac.  

Le dernier baromètre de santé publique France démontre ainsi que la prévalence tabagique (toute catégorie de tabagisme confondu) représente 34.7% des hommes et 29.2 % des femmes.  

Néanmoins, il est plus juste d’aborder la prévalence tabagique en parlant des fumeurs quotidiens et la France ne figure pas en tête des pays européens avec la prévalence la plus basse.  Selon le BEH1  de mai 2022, en 2021, en France métropolitaine, un quart des 18-75 ans déclarait fumer quotidiennement (25,3%). Une hausse du tabagisme quotidien est néanmoins observée entre 2019 et 2021 parmi les femmes (de 20,7% à 23,0%) et parmi les personnes n’ayant aucun diplôme ou un diplôme inférieur au baccalauréat (de 29,0% à 32,0%).  

la consommation chez les femmes est inquiétante

La consommation chez les femmes est particulièrement inquiétante. En effet, pendant de nombreuses années, les conséquences néfastes du tabac étaient principalement associées aux hommes, cancer du poumon, altérations musculaires, phlébite, formation de caillots ou encore accidents vasculaires cérébraux. Cependant, de nos jours, les effets du tabagisme frappent de plein fouet les femmes. Elles sont de plus en plus touchées par des maladies qui étaient autrefois davantage observées chez les hommes, en plus de développer des problèmes de santé spécifiques à leur genre. Le cancer du poumon tue désormais plus de femmes que le cancer du sein, les maladies cardiovasculaires explosent chez les fumeuses avec parfois des jeunes femmes.  

La consommation peut également varier en fonction des régions. Ainsi, le baromètre SPF2 2022 indique que deux régions ont une prévalence du tabagisme quotidien plus élevée que le reste de la France : Occitanie (28,5%) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (29,1%). 

Enfin, les diverses mesures pour freiner la consommation de tabac des jeunes semblent porter leurs fruits. On assiste depuis 20 ans à une véritable baisse de la consommation de tabac chez les jeunes Français.  Néanmoins, la France reste un mauvais élève avec une prévalence au-dessus de la moyenne européenne.  En 2019, environ 36 % des 15 à 24 ans étaient des fumeurs (quotidiens et occasionnels), soit le deuxième taux le plus élevé du Vieux Continent derrière la Bulgarie (près de 39 %). À l’opposé, la prévalence du tabagisme est la plus faible chez les jeunes des pays nordiques : 15 % en Norvège et en Suède, 14 % en Islande. (Source statista) 

Restreindre le tabac dans l’espace public 

Pour limiter la consommation de tabac, l’Etat a mis en place une série de mesures depuis 2006, notamment dans l’espace public. Comme pour la publicité, l’usage de la cigarette devient de plus en plus restrictif pour protéger les populations et l’environnement mais aussi pour dénormaliser la consommation de cigarettes.  

La loi Evin de 1991 a inversé la règle dans les lieux à usage collectif fermés et couverts qui sont devenus des lieux sans tabac.   

Néanmoins, ce volet de la loi Evin aura eu beaucoup de mal à être respecté notamment en raison du travail de sape de l’industrie du tabac qui a obtenu le « détricotage » de la loi Evin par un décret (29 mai 1992) qui a introduit la possibilité de réserver des espaces pour les fumeurs dans les lieux sans tabac. Et, en ne mettant aucune limite à ces exceptions, le décret a permis de revenir à la notion de lieux fumeurs dans lesquels le non-fumeur osait à peine quémander un espace non-fumeur.    

En 2007, pour suivre l’exemple de plusieurs pays européens, la France décide de clarifier le principe d’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif. La présence d’espaces fumeurs doit répondre à des normes strictes.  Cette mesure a permis de protéger des centaines de milliers de travailleurs de la pollution par la fumée de tabac. Couplée à l’augmentation des prix des années précédentes, cette mesure aura contribué à faire baisser le nombre de cigarettes consommées quotidiennement puisque la possibilité de fumer devient plus difficile notamment au travail.  

Cette année, il est devenu interdit de fumer dans tous les bois et forêts et jusqu’à une distance de 200 mètres de ceux-ci, pendant la période à risque d’incendie.  

L’ambition de l’Etat : une première génération sans tabac dans moins de 10 ans  

Les différents plans de lutte contre le tabac ont permis des avancées majeures : le prix, le paquet neutre, l’interdiction de fumer, etc. Ces mesures ont pour objectif d’une part de protéger la population des dangers du tabac mais aussi de dénormaliser le fait de fumer avec le vœu pieux d’une génération entière non fumeuse d’ici 2032.  
 
Cet objectif très ambitieux ne sera atteint qu’à certaines conditions : Une campagne de taxation volontariste, un accompagnement important des fumeurs vers le sevrage, une interdiction des produits du tabac dans les espaces d’attente, de convivialité ou de cohabitation, qu’ils soient couverts ou pas, et le strict respect de la législation notamment dans la vente de tabac aux mineurs, dans le respect de l’interdiction de la publicité pour le tabac et la cigarette électronique.  

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